Les fêtes des parents quand on vit un deuil périnatal
Si votre coeur se serre parce que vous vous étiez projeté·es dans ces dates avec un bébé au creux de vos bras, ce message est pour vous.
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Bonjour à vous,
Fête des mères, fête des pères, fête des parents, fête des gens qu’on aime… Peu importe le nom que vous associez à ces dates qui reviennent tous les ans en mai et en juin : si votre coeur se serre parce que vous vous étiez projeté·es avec un bébé vivant au creux de vos bras, le message qui va suivre est pour vous. Pour vous mettre un peu de baume au cœur et vous aider, l’espace d’un instant, à vous sentir moins seul·es.
Vous souhaitez prendre connaissance de ce message ? Deux options se présentent à vous :
vous pouvez poursuivre la lecture de ce message dans ce mail (n’hésitez pas à le lire en ligne ou à bien cliquer sur “Afficher l’intégralité du message“ en bas de la page de votre boîte mail afin de ne rien louper !)
ou bien vous pouvez l’écouter directement ici en version un peu plus longue :
Ce message est pour vous, vous qui traversez un deuil périnatal.
Vous dont le parcours de parentalité est cabossé. Vous dont le deuil est tout récent ou plus ancien.
Vous qui vous considérez peut-être comme mère, père, parent, mais que la société ne reconnaît pas ainsi…
Vous qui avez des enfants vivants, mais dont l’un est toujours mis de côté…
Vous qui ne vous percevez peut-être pas comme parent, mais qui aimerez l’être, au plus profond de votre cœur.
Et justement, peut-être qu’en ce dimanche 25 mai ou à l’approche du dimanche 15 juin, vous avez le cœur gros. Peut-être ressentez-vous un pincement au cœur, que vous n’avez pas le coeur à la fête.
Vous êtes peut-être assailli·es par mille et une émotions. Certaines que vous n’aviez pas anticipées, certaines que vous n’attendiez pas avec une telle intensité, certaines que vous n’osez pas exprimer face aux autres.
Pour vous, cette journée est floue, ou douloureuse, ou traversée par énormément de choses contradictoires. Ou bien ressemble-t-elle à un ouragan, à un tsunami ou une simple tempête selon votre parcours, votre histoire. Mais même une “simple” tempête reste une tempête.
Il y a des personnes qui seront silencieuses, qui feront comme si de rien n’était, comme si vous n’étiez pas concerné·es par cette journée. On vous donnera peut-être l’impression que ce que vous ressentez n’est "pas normal", "pas si grave", qu’il faudrait "passer à autre chose", "aller de l’avant".
Mais en réalité… il y a fort à parier que quelque part dans le monde, quelqu’un·e ressente exactement la même chose que vous.
Alors certes, le savoir ne changera peut-être pas tout. Mais un peu quand même.
Parce que parfois, quand nos émotions ne sont pas reconnues, on se sent terriblement seul·e.
Et moi, j’ai juste envie de vous dire que vous n’êtes pas seul·e.
Mes mots sont bien peu de choses, j’en ai conscience. Malgré tout, je tenais à vous envoyer ce petit message pour vous dire que je pense bien à vous.
Et je vous souhaite de traverser cette journée avec le plus de douceur possible.
Cette solitude dont je vous parle, je l’ai durement éprouvée lors de la fête des mères en 2018.
Pour être honnête, je ne l’avais pas vraiment vu venir : cette date n’était pas véritablement un sujet pour moi. Pourquoi ? J’avais (la difficile) impression de ne pas être mère, de ne pas être concernée. J’avais accouché 5 mois avant de mon bébé mort-né, mais j’étais encore là, à me débattre avec toutes ces interrogations :
Que suis-je ? Qui suis-je ? Si on ne me considère pas comme une maman, est-ce que je peux m’autoriser malgré tout à m’identifier à ce rôle ? Ai-je le droit, la légitimité de dire : “je suis une mère” alors que je n’ai pas de bébé vivant ?
Une mère sans enfant, mais une mère quand même ?
Je n’avais pas de réponse tranchée et voilà que ce dimanche de mai est arrivé. Je me souviens très précisément de la météo : il faisait beau, chaud. J’ai souhaité une bonne fête à ma propre mère et ensuite, j’ai mis des oeillères. J’ai fait l’autruche. Je me suis retranchée chez moi, très occupée à travailler.
M’occuper l’esprit pour ne pas y penser (et ne pas penser au fait que personne n’y avait pensé…) : c’était mon plan pour cette journée. J’essayais d’écarter toutes les projections que j’avais pu faire lors de ma grossesse, cette image d’un petit bébé qui aurait dû avoir 2 mois environ… Souvenirs de projections qui n’adviendront pas.
J’étais dans mon bureau quand j’ai été rappelée, au milieu de l’après-midi, par la réalité : de ma fenêtre ouverte, j’ai entendu mes voisins, installés sur leur terrasse. Ce couple était devenu parent au moment même où nous avons encaissé de sombres diagnostics médicaux pour notre bébé.
Je me revois lorsque me sont parvenus les sons de l’innocence, de l’insouciance, de la joie. Les rires, les “bonne fête" !” lancés à la jeune maman, les petits bruits de son bébé… J’ai senti mon coeur se briser et j’ai compris que ça aurait dû être moi. Moi aussi. Sauf que j’étais assise à mon bureau, face à mon ordinateur, en dehors de tout ça.
J’ai ressenti de la colère, de la haine, de la tristesse. Toute la violence de ces émotions m’a prise à la gorge. J’ai eu envie de hurler mon chagrin, de crier à l’injustice, de leur demander de se taire, de respecter ma douleur encore vive qui prenait toute la place.
Bien sûr, je n’ai rien fait de tout ça. J’ai pleuré et j’ai fermé la fenêtre. Je me suis barricadée pour ne rien voir, rien entendre et une chaleur accablante a envahi la pièce. Ces détails et ces sensations, associés à ce choc, sont encore prégnants. J’ai ce souvenir très précis de transpirer à grosses gouttes tout en pleurant et en me sentant terriblement seule au milieu de cette pièce plongée dans la pénombre.
Seule, parce que j’avais l’impression d’être une demie mère, un parent invisible, la représentante d’une parentalité qui n’existerait que dans ma tête. Seule, parce que les fêtes des mères, des pères, des parents sont des fêtes sociales et qu’aux yeux des autres, je n’avais pas ma place dans cette journée. J’étais “fille de”, mais pas “mère de”.
J’aurais voulu, au fond de moi, avoir cette reconnaissance de la part des autres. Mais rien n’est allé dans ce sens en ce dimanche.
Avec 7 ans de recul, j’ai envie de dire à la Sophie de 2018 :
Même si les autres ne te reconnaissent pas comme parent, qu’ils et elles ne te le témoignent pas par des mots et des messages, cela ne doit pas t’enlever le droit de t’identifier comme mère. Une mère un peu spéciale et hors-normes, certes, mais une mère quand même.
Cette impression de ne pas être vu·es, de ne pas être considéré·es dans cette nouvelle identité est un trait commun à énormément de personnes qui ont témoigné dans le podcast.
Vous avez déjà écouté les épisodes et les avez appréciés ? N’hésitez pas à mettre un petit commentaire et des étoiles sur les plateformes d’écoute pour donner plus de visibilité au podcast et au deuil périnatal !
D’ailleurs, en écrivant ces mots, je pense à ceux de Marie, qui sera l’invitée d’un prochain épisode.
Marie est la maman de Nora et Suzanne, jumelles décédées en 2022. Durant notre enregistrement, Marie a utilisé la métaphore des lunettes que je trouve très parlante. Je vous livre en avant-première un petit extrait de son témoignage :
C’est difficile d’être parent sans enfant : c’est comme si on devait revendiquer d’être parent. On a ces lunettes de parent mais en fait, ce sont des lunettes invisibles. Les autres ne les voient pas et on est obligé de leur dire que c’est pour ça qu’on ne voit plus le monde de la même façon.
Et comment parler d’invisibilité sans évoquer les co-parents ? Sans faire la lumière sur ces pères, ces mères qui ont du mal à trouver leur place ou à faire exister leur deuil parce qu’ils et elles n’ont pas porté ce·s bébé·s décédé·s ?
Fin avril, Laurent avait répondu présent à mon invitation pour une rencontre en visio et en public à propos de la place des pères et du deuil périnatal. Pair en périnatalité, Laurent est père de 3 enfants dont Victor et Charlotte, décédés en néonatalogie peu de temps après la naissance.
Comment trouver sa place en tant que père quand la société établit de nombreuses normes et stéréotypes sur la manière dont les hommes devraient vivre ce type d’épreuve et exprimer leurs émotions ? Comment vivre son deuil et se sentir légitime à le vivre quand l’entourage estime que seule la mère est en première ligne ?
Ces questionnements irriguent de nombreux témoignages d’Au Revoir Podcast. Lors de notre rencontre, Laurent a d’ailleurs abordé la manière dont il avait ressenti tout cela après le décès de Victor, son fils aîné, né à terme et décédé à quelques jours de vie en réanimation :
J’avais besoin que tout le monde sache que Victor avait existé et qu'il avait en fait changé ma vie. J'ai tout de suite ressenti ça extrêmement fort. Et c’est là que je me suis pris une claque : j’avais l'impression que l'entourage de manière générale n’arrivait pas à comprendre ça, n’arrivait pas à comprendre qu'on soit autant touché, autant transformé ma femme et moi, mais aussi moi en tant qu’homme. J'ai entendu tellement de phrases extrêmement absurdes… Je croise quelqu’un dans la rue et on me dit : “au fait, comment va ta femme ?”
Je trouvais ça violent parce que je ne savais pas comment répondre à ça. Finalement, au bout d’un certain temps, je disais : “ba faut lui demander. Moi, ça ne va pas, c’est hyper dur. J’essaie juste de tenir le coup.”
J’entendais aussi des phrases comme : “sois fort pour ta femme”. Je finissais par répondre : “j'essaie déjà d'être fort que moi-même”.
Ce deuil, on a besoin d'en parler. C'est quelque chose qui nous concerne directement. C'est quelque chose qui nous affecte. C'est quelque chose qui nous transforme. Très vite, j’ai réalisé que ma vie serait plus jamais la même, ce ne sera plus comme avant.
Retrouvez ici tous les épisodes d’Au Revoir Podcast qui donnent la parole aux co-parents :
Merci à Marie et Laurent d’avoir verbalisé leurs ressentis et de vous permettre, peut-être, d’y voir plus clair sur ce que vous-mêmes vous ressentez.
Merci à vous d’avoir pris le temps de lire cette édition des nouvelles d’Au Revoir Podcast !
Je vous envoie le plus de douceur possible et vous dis à très bientôt, pour un épisode inédit et encore plus de contenu consacré au deuil périnatal. D’ici là, n’hésitez pas à partager les épisodes autour de vous, à partager cette lettre ou à la commenter : c’est essentiel pour donner plus de visibilité au deuil périnatal, au podcast et à mon travail !
Amicalement,
Sophie
Bonjour Sophie
Je suis la Mamilou de Lilas
Je vous remercie pour ce message .
À travers vos mots , vos documentaires je peux mieux comprendre ce que ressentent Marie et Roland qui habitent loin de chez moi .
Nous parlons parfois de Lilas et je leurs envoie régulièrement des messages afin qu’ils sachent que Lilas est aussi pour toujours , dans mon cœur de Mamilou .
Merci pour votre engagement
Elisabeth